L’enclume russe

L’ENCLUME RUSSE (par Axel VINCENT-RANDONNIER)

Historique :

Depuis que je fais de l’astronomie, je partage mon temps entre observation et imagerie. Ayant comme beaucoup commencé avec le classique 114-900, j’ai ensuite acheté auprès de Christian Arsidi un C8 monté sur une Vixen Super Polaris DX (alias SP-DX, ancêtre de la GP-DX), monture donnée pour une charge utile de 10 kg. Pour la photo, je ne recommande toutefois pas de monter au dessus de 6 à 7 kg. On était alors en 1991. Après des essais moyennement concluants en photo au foyer du C8 avec guidage manuel, j’ai fait l’acquisition en 1997 d’un boîtier photo Canon équipé d’un téléobjectif de la même marque, un 300 mm ouvrant à 4 (une merveille optique). Cet équipement passait très bien en parallèle sur le C8, la monture étant alors parfaitement dimensionnée pour cette charge, et je me contentais, depuis le passage au numérique avec un EOS 10D, de poses individuelles inférieures à 2 minutes, ce qui me dispensait de guidage. Puis, fin 2005, j’ai fait une grosse bêtise : j’ai acheté un extraordinaire astrographe, la fameuse Takahashi FSQ 106, utilisable avec F/D 5 ou à F/D 8 avec le complément optique Extender-Q. Mais là, plus question de faire des photos non guidées (en fait, j’ai quand même essayé mais pour réellement exploiter la bête, il n’y a pas photo, il faut autoguider). J’avais bien envisagé de faire évoluer la monture pour permettre l’autoguidage, mais avec la FSQ qui pèse déjà 6 kg (avec collier et chercheur) + un instrument guide + boîtier photo, la SP-DX était devenue un peu juste au niveau de la capacité de charge. Depuis quelques années déjà, je regardais avec envie et curiosité des montures plus lourdes et, toujours en 2005, j’avais pris contact avec un certain… Frédogoto qui avait rédigé un article sur l’EQ6 et les améliorations à lui apporter pour faire de l’imagerie avec. Cela me permit d’avoir des infos de première main et, allez savoir pourquoi, j’ai abandonné cette piste. 😉

J’avais bien vu des montures de qualité qui me faisaient de l’œil (Takahashi EM200, Losmandy G11…) mais elles étaient un peu chères pour moi. Le temps faisant son œuvre, et Internet aidant (merci le forum d’Astrosurf), je découvris une monture russe, l’ALTER D6, qui avait apparemment des caractéristiques me convenant : monture lourde (et donc stable) ayant une capacité d’emport donnée de plus de 30 kg (à voire… mais avec les fabrications russes, ce n’était pas exclus), une roue dentée de bon diamètre pour l’entraînement en AD, qui plus est en bronze, et un astrophotographe anglais l’utilisant avec un certain succès après changement des moteurs et de l’électronique de pilotage (http://www.awrtech.co.uk/ih/ih_d6.htm). Elle pouvait aussi être équipée du fameux FS2, Michael Koch ayant travaillé sur son adaptation (http://www.astro-electronic.de/mount.htm). Encore fallait-il que le prix de base en valut la chandelle. Mais si la base mécanique était bonne, ça pouvait devenir intéressant. Et puis, l’avantage d’avoir un matériel upgradable, c’est d’étaler les dépenses : on peut commencer tel quel puis si c’est insuffisant, faire évoluer ensuite, mais j’envisage d’ores et déjà une picastroïsation.

Une occasion s’est alors présentée de faire l’acquisition de la bête : le magasin Galileo en avait une en stock depuis plusieurs mois (les clients de passage dans leur boutique ont d’ailleurs pu l’y admirer) et cherchait à s’en débarrasser. En fait, un de leurs clients avait commandé un télescope Intes (un Maksutov-Newton me semble-t-il) et avait réservé la monture avec, mais lorsqu’il a vu la monture, il a dû prendre peur (c’est du lourd !). Il a donc laissé la monture et est reparti avec le tube optique. Je pense que Galileo a eu cette monture sur le dos pendant aussi longtemps parce qu’elle n’est pas du tout connue et que bien des clients potentiels se sont montrés frileux à acheter une monture pour laquelle on ne trouve pratiquement pas d’informations de la part d’utilisateurs : personne ne voulant essuyer les platres ! D’un autre côté, la marque est beaucoup plus connue pour le reste de sa production astronomique : les télescopes Maksutov-Cassegrain INTES-Micro, réputés pour leur qualité.

J’ai donc pris mon courage à deux mains et sauté (à pieds joints) sur l’occasion en en faisant l’acquisition pour la somme de 2500 € alors qu’elle est facturée 2900 £ en Angleterre (environ 4300 €) et 3800 € en Allemagne.

La monture ALTER D6 :

Cette monture lourde est en fait fortement inspirée de l’excellente monture Vixen Atlux.

Elle est cependant un peu plus grosse et sa charge utile est nettement supérieure (près du double). Voilà pour la comparaison.

Sinon, bien que d’aspect massif, la monture ALTER D6 nue (sans trépied ni contrepoids) n’est pas si lourde que cela (22 kilos). Elle est cependant assez volumineuse (pour son poids). Du coup, dedans, il y a… plein de vide ! Mais c’est quand il y a tout que ça commence à devenir vraiment lourd. C’est bien de la fabrication russe (un peu comme leurs chars) : lourd, simple, sans fioritures mais efficace ! Ah ben oui, parce que j’avais oublié de dire que le trépied, il est en inox, pas en alu. Quant au trépied, il pèse à lui seul 34 kg ! La section des tubes est de 7,5 cm et le trépied est réglable en hauteur (81 à 119 cm). Et si on le pose sur un sol dur, on n’a qu’à mettre les plots de trépied en alu (10 cm de diamètre) qui ont été livrés avec. J’avais déjà un bon trépied avec la SP-DX mais là, c’est un roc : ça ne bronche pas. En plus, ça contribue à abaisser le centre de gravité de l’ensemble ce qui n’est pas mal.


Bref, une fois la monture sur son trépied avec 10 kg de contrepoids, l’ensemble dépasse les 65 kg sur la balance. D’où son surnom d’enclume. En revanche, comme la monture est livrée avec deux barres de contrepoids (30 et 50 cm) qui peuvent être mises bout à bout, on peut charger la monture sans avoir à rajouter de contrepoids.


Maël, 4 ans et demi, à côté du jouet de son papa !

Concernant la finition et le souci du détail, comme je le disais, c’est… russe (ça veut dire un peu aléatoire). Par exemple, on voit bien qu’il y a des cercles de coordonnée en AD, en déclinaison et les graduations de latitude pour dégrossir la mise en station. Mais en fait, c’est de la déco ! Je cherche encore un curseur de référence ou les verniers ! Le viseur polaire n’est pas top non plus : les gravures sont épaisses et ça n’a pas l’air d’être un foudre de précision. Mais je ne m’attendais pas à quelque chose d’exceptionnel et je m’étais dit dès le départ que s’il ne me convenait pas, j’en achèterais un autre. Ce qui fut donc fait (j’ai d’ailleurs eu la chance de tomber sur un viseur polaire Takahashi d’occasion : ne reste plus qu’à usiner une petite pièce pour l’adapter.

Un autre truc que je n’ai pas trouvé génial, c’est que la queue d’aronde femelle (compatible Losmandy) qui est livrée avec se fixe sur la tête de monture au moyen de 6 vis de 5 mm de diamètre, ce qui me parait un peu léger pour une monture sensée accepter une charge de 35 kg. J’aurais bien vu du 6 ou du 8 mm. Mais pour mes besoins du moment, ça convient quand même. Toujours au rayon de la finition, les barres de contrepoids sont des tubes en inox. Dans l’un d’eux, il restait encore un tortillon de métal, résidu d’usinage du filetage. Là encore, ça ne fait pas très sérieux. C’est même inquiétant car on ne manque pas de se poser quelques questions sur les conséquences de copeaux se baladant du côté des roues dentées et vis sans fin. Le démontage partiel de la monture n’a cependant rien révélé de tel, mais seul un démontage complet permettrait d’être sûr.

D’ailleurs, puisqu’on parle de démontage, voici une partie des entrailles de la bête (partie déclinaison) :

Premières constatations : il y a beaucoup de pignonnerie du côté des motoréducteurs. Deuxième constatation, la place disponible est compatible avec leur remplacement pour un système d’entraînement par poulies/courroie et les accès sont faciles. En revanche, le réglage du contact roue dentée/vis sans fin n’est pas encore très clair pour moi, mais il est nécessaire car lorsque les freins sont bloqués, on sent qu’il y a un peu de jeu à corriger. Autre source de satisfaction, la les fils du moteur sont connecté à une prise Sub-D9 standard qu’il ne sera pas nécessaire de changer lors de l’installation d’un Picastro. Bref, cette monture va pouvoir évoluer à moindre coût et deviendra je l’espère un engin redoutable pour l’imagerie, avec une forte capacité de charge pour un prix somme toute très inférieur à la concurrence. Mais ce n’est pas complètement “plug & play”. Enfin, dans ce bas monde, si on pouvait avoir le meilleur matos à bas prix, ça se saurait.

Conclusion

Après avoir réussi à adapter le viseur polaire Taka, je testerai la qualité de suivi de la monture en l’état puis je la picastroïserai. Donc, les chantiers sont à prévoir ou en cours pour améliorer cette imposante monture et ensuite s’attaquer la vocation de cet investissement : l’imagerie du ciel profond avec autoguidage.

…la suite au prochain numéro…

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